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Quand l’étoffe devient fourrure, entre trompe-œil et matière.

L’homme préhistorique a découvert très tôt les qualités protectrices de la fourrure qu’il a utilisée pour se vêtir ou construire son habitat. Les récits antiques mythologiques présentent la fourrure comme un attribut des dieux, ménades ou bacchantes.

La fourrure devient l’adjuvant d’interprétations à la fois symbolique, politique ou sociale. Les pouvoirs que l’on prête à la peau de bête sont multiples : puissance, luxe, triomphe, immortalité, subversion, marginalité. Au cours de l’histoire, ces valeurs se succèdent, se remplacent ou coexistent parfois. 

De la toison d’or à Madame de Pompadour.

La fourrure pour se vêtir

 

Considérée comme un produit de luxe, la fourrure connaît un engouement considérable qui pousse les rois français à légiférer. L’hermine devient une prérogative de la famille royale.

 

Parant les bords des vêtements, elle est aussi la matière préférée des accessoires de mode hivernaux tels que les manchons, cols ou couvre-chef variés. Madame de Pompadour se fait portraiturer par Hubert Drouais en robe d’indienne et manchon. Recherchée pour ses qualités chauffantes, la fourrure dénote très vite d’un rang social élevé en raison de son coût. Elle traduit aussi parfois l’appartenance à un groupe spécifique, comme le léopard utilisé par les militaires ou les acteurs. Elle est enfin symptomatique du goût pour l’exotisme si prégnant au XVIIIe siècle. Dans un certain jeu de dupes, on aime frissonner à l’évocation de contrées lointaines dangereuses.

De Napoléon Ier à Madeleine Castaing.

La frontière entre la mode et l’ameublement est poreuse.

 

Les motifs de fourrure en sont un parfait exemple. Vers 1770, ils gagnent l’habitat avec l’apparition de moquette nommée « peau tigrée » dans les descriptions. Derrière cette appellation commune, se cache une pléiade de motifs dans un flou zoologique : ocellé, tavelé, tigré, zébré, léopard, etc.

 

La mode des tapis au motif animalier en trompe-l’oeil est lancée.

 

Tout au long du XIXe siècle, l’intérêt pour ces motifs s’accentue, supporté par l’orientalisme en vogue. La curiosité portée aux cultures du Moyen-Orient, la recherche de l’exotisme, accélèrent l’utilisation de ces motifs dans la décoration intérieure. Les salons présentent des tapis persans, des peaux de tigre et autres fourrures jetées sur les fauteuils.

 

Le coût important de ces peaux, la faveur de ces motifs et l’évolution des intérieurs dont les tapis de sol sont posés de mur à mur incitent les fabricants européens à trouver des ersatz tissés et assemblés. Braquenié en édite de nombreux modèles dont certains furent utilisés par Madeleine Castaing.

De René Prou à Bambi Sloan.

La peau de bête décomplexée.

 

Cette fascination pour le monde animalier sauvage s’exprime de façon cyclique dans la décoration. Il revient en force pendant la période Art déco, ravivée par la découverte des arts indigènes des colonies françaises lors d’expositions.

 

Plutôt réservé au sol au cours du XIXe siècle, il gagne les murs et les sièges dès 1920. Les sièges de René Prou ou Armand Rateau en sont des parfaits exemples. À la même époque, Georges Le Manach fait tisser à bras deux velours de soie, un tigré et un léopard, encore tissés aujourd’hui dans les ateliers Pierre Frey sur métier à bras. Il s’agit de tissage d’exception : 1,50 m par jour.

 

Ces années marquent le début de l’âge d’or du motif peau de bête. Aux félins s’ajoutent d’autres animaux exotiques: python, crocodile, zèbre.

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Glamour à l’époque hollywoodienne, graphiques, fluffy ou rock and roll dans les années 70, les peaux de bêtes se jouent encore et toujours de nos intérieurs. En touche distillée dans une version minimaliste ou décomplexée et fantasque en version maximaliste, elles demeurent un intemporel de la décoration dont on ne se lasse pas.