Quelle a été votre principale source d'inspiration pour créer la ligne STERE ?
J’aime me considérer comme un raconteur d’histoire, quelque soit les domaines où j’interviens, de l’écriture au design et au graphisme, que je ne compartimente pas d’ailleurs car ils sont complémentaires, voire indissociables. Ainsi chaque projet débute par un récit. Pour le banc STERE, je me suis amusé à convoquer de l’arrivée dans une maison de vacances, qu’on connait intimement ou qu’on redécouvre pour la première fois. Ce sont des sensations et des plaisirs simples : ouvrir les volets, laisser entrer la lumière, poser les meubles dans le jardin embroussaillé et improviser un repas après une longue route. Soudain un orage se met à gronder, alors on déplace le mobilier pour le mettre à l’abri. L’idée du banc STERE est née de ces impressions fugaces, de ces souvenirs de vacances, d’un rythme et d’une quête de confort qui frise l’abandon. J’imaginais qu’on puisse venir se reposer sur le banc. C’est un type de meuble que j’aime pour plusieurs raisons. Comme il est bas, il ne brouille pas la vue, ne s’impose pas. Il n’a à offrir que le plaisir de s’y installer, seul ou à plusieurs.
Quel est le matériau que vous préférez travailler ?
Je n’ai pas de matériau de prédilection, car selon moi, un matériau, aussi séduisant soit-il, doit servir l’idée ou la forme plutôt que l’inverse. Ce qui m’intéresse ce sont leurs qualités bien sûr, mais surtout les savoir-faire et les multitudes de mises en œuvre qui les accompagnent. Par conséquent, j’aime autant travailler le verre bombé, le chêne tourné ou le papier dans un cadre artisanal, que l’aluminium et la couleur dans un univers très industriel comme dans certaines entreprises aux Pays-Bas. Mais si je devais tout de même choisir un matériau, ce serait sans doute le bois. Ses formes organiques, ses branches, ses écorces ou ses rondins débités m’inspirent beaucoup. C’est d’ailleurs ce qu’on retrouve avec le banc STERE.
Pouvez-vous nous décrire les étapes de votre processus créatif ?
J’ai une approche très tactile et sculpturale. Si je tiens beaucoup à rédiger quelques notes, c’est pour très vite démarrer les choses en volume. J’utile ainsi du plâtre, de la terre ou tout matériau qui me tombe sous la main. Les logiciels de 3D ou les dessins les plus poussés viendront ensuite car ce qui m’intéresse, c’est d’abord le toucher, sentir les choses. La création du banc STERE découle de ce même processus de modelage et de maquettes. J’aime l’idée de maquette ou de dessin imparfaits car ils racontent beaucoup de choses sans rien figer. Un simple pliage suffit parfois à évoquer une idée et il sera toujours temps ensuite d’être perfectionniste ! Cela me permet alors de rester libre sur un possible changement d’échelle et de dialoguer avec les savoir-faire en présence. Si par chance un résultat satisfaisant arrive rapidement, il y a ensuite un long travail d’ajustements, le choix des matériaux, les échanges avec les artisans, un ensemble qui nourrit énormément tout projet et qu’on doit accepter de confier à d’autres que soi.
Comment qualifiez-vous votre esthétique ?
Je suis attaché à l’idée d’une esthétique sculpturale, narrative et organique, un univers qui serait à la fois ludique et sophistiqué. Pour autant les objets, le mobilier ou les luminaires que je créé ne sont pas des sculptures à ne toucher qu’avec les yeux ! Ils sont avant tout fonctionnels et dédiés à des intérieurs où l’on aime se retrouver. De vrais compagnons, pourrait-on dire.
Comment avez-vous travaillé avec le bureau d'études de Pierre Frey ?
De manière très intuitive. La Maison m’a mis au défi d’associer le bois et le tissu pour réaliser son premier mobilier extérieur, tout en y apportant quelque chose de très personnel, une signature. Parmi les différentes pistes explorées, je me suis intéressé au banc, un meuble qui fonctionne aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur, que l’on saisit et que l’on déplace à l’envie. C’est par définition un objet convivial, à partager : on peut s'y assoir seul ou à plusieurs, l’isoler dans un coin du jardin ou le rapprocher d’une grande tablée. Partant de là, j’ai souhaité mixer le savoir-faire de la menuiserie et celui du textile de la Maison et ainsi laisser la part belle au tissu, ne pas brouiller les pistes en insistant trop sur la présence du bois ou sur des formes qui auraient été trop bavardes. Je me suis amusé à « coincer » le textile dans son piètement de bois et suggérer ainsi la fabrication de cet étrange assemblage C’est à priori un banc relativement simple mais quand on le contourne et qu’on l'observe de profil, on voit ce débordement contenu par la structure et le piètement. C’est je crois ce qui lui apporte toute son originalité.
